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29 octobre 2004

L'avenir est à la segmentation des marchés

Les Echos du 29 octobre 2004

Marketing / une interview du sociologue bernard cathelat

L'avenir est à la segmentation des marchés

Fondateur du Centre de communication avancé, Bernard Cathelat met en avant la divergence des courants traversant la société, conduisant à segmenter les produits.

L'approche par socio-styles de vie, servant de grille d'analyse de la société, date d'une trentaine d'années. A l'heure où vous lancez l'édition 2005-2008 de l'Observatoire de tendances prospectives, ce modèle est-il toujours pertinent ?

L'approche consiste à aller plus loin que les critères socio-démographiques classiques, car on peut afficher le même âge, habiter au même endroit, disposer des mêmes revenus et ne pas avoir les mêmes arbitrages et priorités. Or, s'intéresser aux motivations, à la psychologie, est plus que jamais d'actualité. Le fait que le Centre de communication avancé ait survécu commercialement, alors qu'il n'est pas un organisme de chercheurs subventionné, et que les entreprises utilisent cette méthode pour essayer d'innover juste, au bon moment, suffit, à mon sens, à le prouver.

Comment voyez-vous l'évolution de la société ?

Elle évolue plus vite, de façon moins cohérente et prévisible qu'autrefois. La vision pessimiste de l'avenir, fondée sur un sentiment d'abandon de la qualité de vie pour tous, s'aggrave et touche désormais près de huit Français sur dix. Elle contraste d'ailleurs avec un relatif optimisme personnel qui tend à s'améliorer : deux personnes sur trois pensent tirer leur épingle du jeu dans les cinq ans à venir. Ce qui est nouveau, c'est que, après une période de repli sur soi, on constate aujourd'hui une dynamique d'adaptation au monde tel qu'il est. Autre phénomène marquant : la société n'est plus une banquise, mais se compose d'icebergs portés par des courants opposés.

Peut-on dire alors que c'est la fin des tendances ?

Auparavant, il existait toujours une tendance dominante à laquelle tout le monde se rattachait, en positif ou en négatif. Dans les années 1970, elle était à l'aventure avec une foi dans le progrès, une priorité donnée à l'épanouissement personnel. Les années 1980 ont été marquées par une tendance jouisseuse, sur le mode « profitons-en tant que cela dure », avec une con- sommation ostentatoire. La décennie 1990, la morosité s'est muée en résistance passive.

En revanche, aujourd'hui, le courant d'adaptation ne se traduit pas par une philosophie dominante, mais part dans toutes les directions. Il existe cinq logiques divergentes (NDLR : voir encadré) et aucune n'est majoritaire. L'un des groupes dit : « Mon bonheur, je le joue sur la vie familiale, amicale », tandis que, à l'opposé, l'autre veut survivre en tant que personne autonome, en faisant semblant quand il le faut et en gardant un jardin secret. Notre pronostic est que ces différences vont s'accentuer au fil des années.

Cette divergence des comportements représente-t-elle un danger ou une chance pour les marques ?

Malgré les contraintes, c'est intéressant pour le marketing et la communication. Le remodelage des modes de vie est une période où l'on remet à plat ses panoplies de comportement. Mais les entreprises ne doivent pas rater le coche. C'est le bon moment pour repenser les produits, les images de marque et la publicité face à ces nouveaux consommateurs.

Les entreprises vont-elles devoir revoir drastiquement leur approche marketing ?

Il ne va presque plus y avoir de marchés de masse, hormis pour quelques domaines très utilitaires. Dès qu'une marque vendra des produits à valeur ajoutée, elle se retrouvera face à des marchés très concurrents, contradictoires. Est-ce qu'on va pouvoir offrir à ces publics les mêmes produits avec le même design, sous la même marque et avec la même publicité ? Nous pensons que non. Une campagne qui dit « 80% des gens ont plébiscité ce produit » parlera à la partie de la population qui veut tout baliser car elle les rassurera. Mais elle fera fuir les 28 % d'électrons libres ou ceux qui veulent exister de façon spectaculaire. Un grand enjeu sera donc de passer du « mass market » à une vraie segmentation.

Mais la segmentation, n'est-ce pas ce que toutes les marques se targuent de faire ?

Il ne s'agit pas de la segmentation tout en nuances que l'on a surtout vue jusqu'à présent. Il ne suffit pas de se dire qu'il existe des gens aimant les shampooings aux fruits et d'autres préférant ceux qui ont une connotation pharmaceutique. Un excellent exemple se trouve dans le marché automobile. Les constructeurs ont senti qu'il fallait innover. Ils l'ont fait avec des philosophies contradictoires. Entre quelqu'un qui met de 38.000 à 45.000 euros dans une Mercedes Classique, celui qui investit la même somme dans un gros 4 X 4 et celui qui dépense autant dans un gros monospace, c'est le jour et la nuit.

Que préconisez-vous alors ?

Les entreprises, en particulier dans la grande consommation, ont l'occasion de passer au crible leur portefeuille de marques et de voir comment faire évoluer chaque ligne de produits vers un ou deux types de clientèle pour mieux s'assurer leur fidélité et, au passage, moins s'autoconcurrencer. Regardez L'Oréal. Aujourd'hui, la vocation de chaque marque du groupe est de toucher un peu tout le monde et le maximum de consommateurs, avec certes des nuances historiques. Mais, au fond, les lignes de produits ne sont pas affectées à des publics précis, même s'il y a un peu de segmentation.

Cela ne présente-t-il pas un risque ?

Segmenter, c'est choisir, donc cela signifie qu'il existe toujours un risque. Mais, tout en continuant à penser à un marketing mondial, il va sans doute falloir se dire que nous n'allons pas vers un consommateur unique, moyen, dans les pays industrialisés. En outre, à moyen et long terme, la démarche peut représenter une économie. Au lieu de tous acheter de l'espace publicitaire au prix fort pour passer à la télévision à 20 h 30, on peut diffuser des spots à d'autres moments. En ciblant une ou deux familles de clientèle, la marque gagne en cohérence et n'est plus tentée de changer de positionnement tous les ans ou tous les deux ans, ce qui représente un gaspillage énorme. J'ai assez bon espoir que, pour des raisons de rentabilité, les grandes entreprises mettent la segmentation marketing plus en pratique qu'aujourd'hui.

PROPOS RECUEILLIS PAR CLOTILDE BRIARD

Les grandes prospectives de vie 2005-2008 vues par le CCA
Etre soi, ou l'électron libre : 28 % des Français
Insaisissables, ils jouent les caméléons en découpant leur vie en tranches et en cachant leur vraie personnalité. Dans certains cas, ils prendront le produit minimum, dans d'autres, où ils se sentent motivés, ils opteront pour le haut de gamme.

Profiter, ou la résistance matérialiste : 23 %
Ils ne souhaitent pas s'adapter mais s'enferment pour se défendre et veulent profiter de chaque plaisir quotidien, de façon matérialiste. C'est un groupe porteur pour la consommation, en particulier pour ce qui concerne le foyer.

Exister, ou la « médiamorphose » : 21 %
Face à une vie qui n'a pas de sens, il faut être star ou rien, dans la lignée de la téléréalité. Pas très riches, ce sont des jeunes mais ils vont vieillir. Impulsifs et infidèles, ils aiment les produits qui se voient et ont une consommation ostentatoire.

Etre juste, ou le réarmement dogmatique : 16 %
Ces conservateurs représentaient autrefois plutôt 5 à 6 % de la population. Ils ont un fort pouvoir financier, sont attirés par les marques qui ont certes un savoir-faire historique, mais surtout une éthique, et savent raconter leur philosophie.

Baliser, ou le formatage : 12 %
Face à un monde compliqué, ils se montrent calculateurs. Très exigeants, ils comparent, lisent les textes techniques et les informations sur les emballages. Ils apprécient les produits qui ont fait leurs preuves, demandent des garanties et de l'assistance.

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Commentaires
M
la segmentation des marchés par les entreprises est elle bonne pour le consomateur?
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